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Index de l’égalité professionnelle Femmes/Hommes : quelles avancées ?

Alors même que l’égalité femmes-hommes est un principe constitutionnel depuis 1946 en France, les inégalités d’accès au marché du travail et les écarts de rémunération entre les 2 sexes étaient jusqu’à il y a quelques années encore des sujets peu considérés par les entreprises et l’État. Heureusement, sous l’effet de plusieurs lois successives et la mise en place d’un index – L’Index de l’égalité professionnelle Femmes/Hommes – des avancées ont lieu, même si elles encore insuffisantes. Cet article fait un état des lieux de la situation, expose les freins et limites de l’Index et expose de possibles avancées.

 1. L’index de l’égalité professionnelle : où en est-on ?

Promulguée par le législateur, La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a imposé aux entreprises le passage d’une obligation de moyens pour l’égalité salariale à une obligation de résultats. Pour évaluer les acteurs économiques, un instrument de mesure, L’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, a été mis en place.

Depuis 2019, toutes les entreprises de plus de 250 salariés et, depuis 2020, toutes celles de plus de 50 salariés ont l’obligation de calculer et publier leur Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes chaque année au 1er mars. L’index est calculé sur la base de 5 indices qui aboutit à une note globale sur 100.

  • La suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables (40 points)
  • La même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes (20 points)
  • La même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes (15 points). Cet indicateur concerne uniquement les entreprises de plus de 250 salariés
  • L’augmentation de salaire garantie au retour de congé maternité (15 points)
  • Au moins 4 femmes dans les 10 plus hautes rémunérations (10 points).

1re satisfaction sur les chiffres communiqués par le Ministère du Travail de la Santé et des Solidarités : la proportion des entreprises qui jouent le jeu et publient leur rapport augmente. Au 1er mars 2024, 77% des entreprises concernées ont publié leur note (vs 72% en 2023, 61% en 2022 et 2021 et 54% en 2020 à la même date).

À savoir :  Les entreprises doivent atteindre a minima la note de 75 sur 100 d’ici à 3 ans. Pour les entreprises dont le score est inférieur à 75, elles doivent instaurer des mesures correctives sous peine d’une amende sanctionnant les inégalités de salaires, pouvant aller jusqu’à 1% du chiffre d’affaires.

Ces mesures annuelles ou pluriannuelles doivent être définies dans le cadre de la négociation obligatoire pour l’égalité professionnelle ou, à défaut d’accord, par décision unilatérale de l’employeur et après consultation du CSE.

Et les notes dans tout ça ? Comme en 2023, la note moyenne déclarée par les entreprises se maintient à un niveau élevé : 88%, soit une augmentation de 4 points depuis 2020 (84/100). En apparence donc, les chiffres évoluent dans le bon sens, mais peut-on se contenter de ces résultats ?

 

2. Freins et limites à L’Index de l’égalité professionnelle 

Si la mise en place de cet index est une véritable avancée dans l’égalité de traitement salarial hommes/femmes, plusieurs freins et limites apparaissent :

  • Un périmètre limité. Les études convergent pour indiquer que seul 1% des entreprises du territoire national sont concernées par la mise en place de l’index, soit un quart des salarié.es couvert par les index publiés
  • Complexité des calculs : La formule de l’index peut s’avérer complexe pour certaines PME qui ne disposent pas toujours des ressources ou des compétences internes pour réaliser ces calculs. Cela nécessite souvent de faire appel à des experts externes, ce qui peut représenter un coût non négligeable
  • Manque de nuances : L’index, bien qu’utile, ne capture pas toute la complexité des situations individuelles. Il exclut ainsi le facteur du « temps partiel » et écarte des éléments de rémunérations variables. Les périodes de congé parental ou les transitions de carrière ne rentrent pas non plus en compte dans la méthodologie de calcul de l’index
  • Effet de seuil : certaines entreprises peuvent se contenter d’atteindre le seuil minimal requis par l’index sans pour autant s’engager dans une démarche d’amélioration continue. Cela peut conduire à une certaine complaisance, où le strict minimum devient l’objectif final.
  • Focus limité : L’index se concentre principalement sur les disparités salariales entre les hommes et les femmes, mais l’égalité professionnelle est un sujet bien plus vaste. Des aspects comme l’égalité des chances à l’embauche, la formation, l’accès aux postes de responsabilité, ou encore la conciliation vie professionnelle/vie personnelle, restent en marge
  • Réactivité vs Proactivité : Enfin, l’index peut parfois être perçu comme un outil réactif plutôt que proactif. Les entreprises pourraient l’utiliser pour corriger des écarts plutôt que de mettre en place des politiques de gestion des talents qui favorisent l’égalité dès le départ
  • Le concept de « valeur égale » discutable. L’index évoque le principe d’une égalité de rémunération à « postes équivalents ». Du coup, il ne tient pas compte de la sous-valorisation inhérente aux métiers féminisés

 

3. Égalité professionnelle Femme/Homme : quelles pistes d’amélioration ?

Il ne faut pas voir dans L’Index de l’égalité professionnelle une réponse globale aux discriminations persistantes sur le marché du travail entre les femmes et les hommes. D’abord, parce que l’indice traite exclusivement la question sous l’angle de la rémunération. Les mentalités, la société et les entreprises doivent continuer d’évoluer sur les rapports d’égalité entre les femmes et les hommes.

Ainsi, les clichés ont la vie dure. Les femmes continuent d’assumer dans la grande majorité des foyers les responsabilités familiales, les hommes s’impliquent moins dans les tâches ménagères ; combien sont-ils à modifier leur activité professionnelle à la naissance d’un enfant ? La « variable d’ajustement » lorsqu’il devient complexe pour les 2 parents de progresser dans leur carrière respective reste la plupart du temps la femme. Sur ce point, les entreprises ont encore des progrès à faire pour permettre aux femmes d’articuler convenablement vie professionnelle et vie familiale, sans pénaliser leur carrière…

La période du Covid a notamment montré la forte féminisation des métiers exposés en 1re ligne durant la crise sanitaire 1. Ainsi, les femmes représentent 86,6% du personnel infirmier, 66,2 % des professeurs des écoles, instituteurs et assimilés ; 77,7% des professions intermédiaires de la santé et du médical, et 70% des agents d’entretien. Autres chiffres éloquents, durant la 1re période de confinement, 21% des mères ont stoppé leur activité professionnelle pour s’occuper des enfants, contre 12% des pères. Durant la même période, 70 % des femmes ont déclaré superviser quotidiennement le travail scolaire de leur enfant, contre seulement 32% des hommes.

Sur le volet salarial, la nouvelle directive européenne du 10 mai 2023 vise à renforcer l’application du principe d’une même rémunération « pour un même travail ou un travail de valeur égale », grâce à la transparence des rémunérations et le renforcement des mécanismes d’application du droit. Cette Directive européenne prévoit notamment une obligation de transparence à l’égard des employeurs relative à la mise à disposition des critères utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression des rémunérations. Elle doit être transposée en droit interne au plus tard le 7 juin 2026.

Suite à la publication le 8 mars des résultats de l’Index 2024 de l’index égalité professionnelle, le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) a proposé différents axes d’amélioration qui sont :

  • Introduire de nouveaux indicateurs sur le temps partiel et les bas salaires
  • Harmoniser les indicateurs entre la BDESE 2 et l’index
  • Remplacer l’indicateur sur les écarts de rémunération par 7 sous-indicateurs : transposition de la directive européenne sur la transparence salariale de mai 2023 que nous venons d’évoquer ci-dessus
  • Anticiper la directive, en intégrant l’ensemble des éléments variables de la rémunération, uniformiser les périodes de références et comparer des emplois de « valeur égale » ;
  • Confier l’automatisation du calcul de l’index aux pouvoirs publics accessible aux entreprises par un logiciel gratuit en ligne à partir de la DSN (Déclaration Sociale Nominative)

 

Bien que l’Index de l’égalité professionnelle soit un pas dans la bonne direction, il est crucial de reconnaître ses limites et de travailler à une amélioration des indicateurs, notamment en introduisant de nouveaux indices plus représentatifs de la situation des femmes sur le marché du travail, comme le temps partiel. Au-delà de la législation, ce sont les comportements et les mentalités qui doivent encore évoluer pour développer une vision plus holistique de l’égalité au travail. Les entreprises ont évidemment un rôle moteur à jouer ; l’objectif n’est pas seulement de remplir une obligation légale, mais de construire des entreprises plus justes, inclusives et performantes.

 

 

(1) Édition 2021 des Chiffres-clés : vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, Ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances

(2) La BDSE (base de données économiques, sociales et environnementales) rassemble les informations sur les grandes orientations économiques et sociales de l’entreprise. L’employeur d’au moins 50 salariés doit la mettre à disposition du comité économique et social (CSE) et des représentants du personnel.